Libertarian Kids

vendredi 25 novembre 2005

Ne dormez plus

Je ne me souviens plus exactement ni du forum – il me semble cependant qu'il s'agissait de l'ancien forum liberaux.org, encore disponible en version archivée il y a quelques mois – ni de la personne qui écrivait les quelques lignes que je vais maintenant citer. La personne en question évoquait une nouvelle, ou peut-être bien un roman, mettant en jeu un homme qui, pour se rendre chez lui après son travail, utilisait un système de téléportation. L'homme entrait donc dans un premier sas puis sortait, en quelque sorte, dans un autre sas lié à sa destination. Il se trouve que le système de téléportation en question n'en était pas vraiment un ; au lieu de transférer l'homme d'une borne à l'autre, le système le copiait, le détruisait puis le matérialisait dans un autre corps ad hoc artificiellement créé pour l'occasion. La nouvelle en question, loin, à l'évidence, de développer une quelconque philosophie, invitait cependant, via le problème de cet homme qui, voulant simplement rentrer chez lui, était cyniquement détruit et remplacé par une copie, à réfléchir sur la question relative à la continuité de l'être et à la mort.

Peut-on répondre, en effet, de manière objective, à la question suivante, question qui d'ailleurs est posée tout au long de l'excellent roman de science-fiction La Cité des Permutants, de Greg Egan ; la copie – copie supposée parfaite, autant physiquement qu'intellectuellement de l'homme original – est-elle la même personne que l'original, ou, au contraire, est-elle une personne différente de celui-ci ? Je ne pense pas qu'on puisse apporter une réponse objective à cette problématique, puisque celle-ci appelle une réponse différente selon que l'on se place du point de vue de la copie ou de l'original.

Aux yeux de la copie, comme de toute autre personne extérieure à l'original, elle sera bien la même personne que l'original ; elle dispose de l'ensemble de sa mémoire, de ses schémas de pensée, de son caractère, si bien qu'elle est incapable non seulement de se rendre compte mais aussi d'établir une distinction entre sa vie de copie et la vie héritée de l'homme original. Dès lors, comment, en se mettant, je le rappelle, dans la peau de la copie, considérer que cette même copie soit une autre personne que l'original ? Comment l'entourage de cette copie, en ignorant la vérité autant qu'en en ayant connaissance, peut elle voir en elle autre chose que ce qu'a été l'homme original ? Si l'on se place, maintenant, du point de vue de l'original, nous ne pouvons qu'aboutir à une conclusion différente, opposée à la précédente. Il est utile, pour répondre à cette question, de se prêter à une expérience de pensée qui nous mènera sur la voie de la réponse. Imaginez-vous, au moyen d'une baguette magique ou d'une quelconque future technologie, face à votre clône parfait ; copie parfaite de vous-même, il dispose en conséquence de cela de vos propres sentiments, de vos propres schémas de pensée autant que de vos propres souvenirs, si bien qu'à l'image de notre homme faussement téléporté précédent, il pense être vous-mêmes ; le considèreriez-vous comme vous-mêmes ou comme une personne autre ? A l'évidence, vous ne vivez pas ce qu'il vit, ne pensez pas ce qu'il pense, ne sentez pas ce qu'il sent, il est, de ce point de vue, autant étranger à vous que votre voisin, votre père, votre oncle ou je-ne-sais-qui peut l'être. Parce que vous l'avez en face de vous et que vous ne maîtrisez pas ses faits et gestes, vous pouvez répondre sans aucun doute à la problématique que nous avons précédemment posé ensemble, et vous affirmerez sans plus réfléchir que votre clône, votre copie n'est pas la même personne que vous-mêmes. Imaginons, maintenant, qu'il y ait une différence temporelle entre votre mort et la création de votre clône ; entendez par là qu'à l'exemple de l'homme prochainement annihilé par notre cynique système de téléportation, nous décidions préalablement de vous éliminer avant même que vous ayez perçu de vos propres yeux une étincelle de vie dans ceux de votre clône. De la même façon que votre clône était distinct de vous-mêmes lorsque vous l'aviez en face de vous, vous conviendrez qu'il est toujours distinct de vous-mêmes y compris dans le cas où vous n'auriez pu le voir, que ce soit par ignorance de son existence autant que par votre propre mort. La réponse à la question étant à l'origine de ces deux expériences de pensée peut alors être prononcée ; du point de vue de l'original, la copie n'est pas lui-même, la copie est une autre personne.

Positionnons-nous du point de vue de l'homme original, celui qui va utiliser le système de téléportation et qui par la même occasion mourra – car nous sommes bien, vous et moi, des originaux et non des copies, non ? Par quoi est fondée la différence entre nous-mêmes et notre copie ? La différence ne saurait être biologique ; notre copie est certes composée d'autres atomes, mais notre composition atomique et moléculaire n'a aucun rapport avec notre individualité : nous ne nous identifions pas à un corps, à un assemblage d'atomes, mais à une pensée ; lorsque nous parlons de nous-mêmes, nous évoquons un caractère, une intelligence, une conscience et non une enveloppe corporelle. S'il y a donc une différence entre nous et notre copie, c'est qu'il y a eu une coupure dans notre conscience, provoquée par notre destruction allant de pair avec l'usage du système de téléportation.

Le problème devient intéressant lorsque l'on en vient à penser ceci : qu'est-ce qui différencie cet homme là, qui va se faire détruire puis qui sera remplacé par une copie, de nous-mêmes, qui, ce soir, nous coucherons puis nous lèverons demain matin ? Si ce qui fonde la différence entre deux êtres est de l'ordre d'une rupture au niveau de la continuité de la conscience, sans égard pour le support matériel, comment pourrions-nous penser autrement à ce propos ? Cela n'entre pas, en outre, en contradiction avec notre propre expérience : je me sens effectivement moi-même lorsque je pense à la journée d'hier ou au-delà puisque je dispose des souvenirs des « moi » antérieurs – je suis ici la copie –, de même que le « moi » de demain pensera avoir été moi-même car il disposera de mes propres souvenirs. Par rapport au « moi » de demain, je suis l'original ; à ce titre, nous sommes distincts, comme l'homme annihilé par notre système de téléportation se distingue de sa propre copie. A l'homme qui, craignant de mourir, refuse de rentrer chez lui autrement qu'en marchant pendant des heures, nous ne pouvons que lui conseiller de ne plus dormir.

Note : comme chacun l'aura remarqué, ce texte a été placé dans la rubrique Détente, ce qui signifie qu'il est à caractère avant tout divertissant et ne constitue en rien l'esquisse d'une quelconque théorie à propos de je-ne-sais-quoi. Ceci étant dit, ceux qui apprécient la sodomie de lépidoptères sont invités à laisser un commentaire.

dimanche 10 juillet 2005

Podcast 3.0

Un nouveau podcast. Sur demande d'alpheccar, que j'éviterai dorénavant d'oublier, je viens d'encoder le podcast au format MP3. Ce podcast est également distribué au format OGG, lisible normalement par Winamp.

Désolé pour la piètre qualité sonore, mon micro n'y est pas pour rien. Promis, j'essaierai dans les jours qui viennent de m'en dégoter un légèrement plus performant.

Allez, trève de bavardages, je vous laisse écouter : Podcast n°3 - format OGG - Podcast n°3 - format MP3

PS : Bientôt l'arrivée d'un flux XML, de façon à ce que le podcast devienne un vrai podcast.

lundi 20 juin 2005

Podcast - Episode 2

Le Podcast Nouveau est arrivé !

Je vous laisse écouter sans plus attendre :

Podcast - Episode 2 - Format MP3

samedi 18 juin 2005

Premier podcast

Je vous laisse sans plus attendre écouter mon Oeuvre :

Podcast - format OGG

(Edit) Sur demande particulière :

Podcast - format MP3

Faîtes moi part de vos commentaires !

jeudi 16 juin 2005

Même / Livres (bis repetita)

Avec un peu de retard, et après la bataille...

1) Combien de livres achetés ?

Aucune idée, peut-être dans les 150. Un certain nombre de livres de jeunesse, ou à lire en cours. La majeure partie de ceux que j’ai achetés dans les trois dernières années sont des livres de philosophie ou d’économie. Je lis de façon très aléatoire, dont peu de littérature, à commencer par les romans.

2) Et le dernier acheté ?

Le Mythe de Sisyphe, Albert Camus.

3) Le dernier livre lu ?

De la liberté, John Stuart Mill.

4) 5 livres qui comptent pour moi ?

5) 5 personnes à qui jeter ce même pour qu’ils y répondent à leur tour ?

Puisque chacun ou presque y a répondu, je livre cette requête sans en tenir compte : Chitah, alpheccar, pankkake, Lafronde et DocMacToast.

Via XXC.

lundi 13 juin 2005

Même / Livres

Sur invitation du divin pankkake, je vous livre ici même les réponses aux questions qui me sont posées.

1) Combien de livres achetés ?

Entre ceux que je récupère dans la sphère familiale, ceux que je possède sous forme électronique, en fin de compte, pas beaucoup ! Moins d'une cinquantaine en tout cas.

2) Et le dernier acheté ?

Sur les conseils de mon éminent co-blogueur Eti-N, De la liberté, de John Stuart Mill

3) Le dernier livre lu ?

La Cité des permutants, de Greg Egan

4) 5 livres qui comptent pour moi ?

Difficile à dire, les livres suivants me viennent à l'esprit :

  • Terre et Fondation, de Isaac Asimov
  • 39 leçons d'économie contemporaine, de Philippe Simonnot
  • L'Art d'avoir toujours raison, de Arthur Schopenhauer
  • Le Dernier jour d'un condamné, de Victor Hugo
  • Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas, de Frédéric Bastiat

5) 5 personnes à qui jeter ce même pour qu’ils y répondent à leur tour ?

Erf, je crois bien que nous avons fait le tour ! Chitah, Alpheccar, Valentin, puis ceux qui voudront bien !

dimanche 13 mars 2005

Le Couperet

Film réalisé par Costa-Gavras, avec José Garcia, Karin Viard et Ulrich Tukur.

Déçu, je ne crois pas qu'il y ait d'autre mot. Ce film est vraiment très décevant et gaché par une sorte de conformisme latent. Déçu également, par les critiques de presse qui l'avaient très bien noté. Plantons d'abord le décor avec l'aide d'allociné :

Synopsis : Bruno Davert est un cadre très supérieur dans une usine de papier. S'étant fait licencier avec quelques centaines de ses collègues pour cause de délocalisation, il est prêt à tout pour retrouver un poste à son niveau, même à tuer ses concurrents.

Jusque là, le scénario peut paraître exploitable, mais, en réalité, quand on a vu 15minutes du film, on en connaît déjà l'intégralité. Dans ces premiers instants, on apprend que Bruno Davert (alias José Garcia) a tué un ingénieur en chimie du papier, au chômage, pour pouvoir avoir une plus grande probabilité d'être embauché si un poste venait à se libèrer. L'on apprend qu'il a réussi à récupérer les CV de ses autres compères, et qu'il les trie dans le but d'isoler ceux qui sont susceptibles de lui être professionnellement supérieurs. A partir du moment où l'on a compris ce principe, seul le modus operandi des crimes change : coup de pistolet, fauchage en voiture, tentative de meurtre avec un couteau de cuisine, explosion d'une maison engorgée en gaz... On commence à somnoler sérieusement.

D'autant plus qu'on ne peut pas dire que ce soient les clichés qui manquent : délocalisations de méchants patrons avides de bénéfices, matérialisation de la "guerre économique", cadres présentés comme "machines économiques" dont le seul Dieu s'appelle Productivité, débauche d'immoralité véhiculée par le capitalisme (on voit apparaître dans le film des dizaines de pubs porno-chic), filiation explicite entre criminalité et chômage - qui instaure une sorte de fatalité... Certes, on ne peut que déplorer le chômage brutal et provoqué de manière ingrate par certains délocalisations : on eut espéré que les employés ne soient pas jetés comme des torchons; mais est-ce réellement toujours le cas? Le film reste muet sur ce point, sur les détails de la délocalisation, les "soutiens" qui s'en suivent, pour se cantonner dans un vague aspect symbolique borné : "C'est la faute des actionnaires".

Ceci dit, sur le statut du salarié, je ne peux m'empêcher de citer Philippe Simonnot, dans l'Invention de l'Etat (Merci Chitah ;-)) :

A personne il ne sera reproché de préférer à un moment donné un lièvre qu'il peut tenir à un butin improbable, un salaire qui tombe régulièrement à la fin de chaque mois à des gains aléatoires. Seulement, il se trouve que certains individus à un moment de leur vie, voire durant toute leur existence, ont du goût pour le risque. Le capitalisme est le système qui permet à cette catégorie d'individus de satisfaire ce goût, et de remplir une fonction utile à la société, à condition que les risques courus soient de vrais risques, que le jeu ne soit pas faussé d'une manière ou d'une autre par un Etat dévoyé.

Bien sûr, par démagogie, on pourra toujours essayer de masquer aux salariés la nature de leur statut par toutes sortes d'"intéressement" aux profits de l'entreprise, et autres formules d'"association capital/travail", d'"épargne salariale", de "retraites maison". Mais il s'agit trop souvent de leurres qui empêchent les salariés de prendre conscience de la réalité de leur statut et d'anticiper le sort qui les attend à l'heure de vérité où le capitalisme est forcé d'avouer ce qu'il est. Les chaînes que l'on a cru alléger, on les a, en fait, alourdies. Et l'on s'en aperçoit bien vite s'il arrive malheur à l'entreprise. Alors ses salariés se mordent les doigts d'avoir mis tous les oeufs dans le même panier (salaires et économies), et n'ont plus que leurs yeux pour pleurer.

Que dire de ce scénario très pauvre, assez stérile, tombant souvent dans l'invraisemblance, et qui sombre dans les poncifs conformistes : fort dommage d'autant plus que les points positifs ne sont pas absents. Une des bonnes surprises est le jeu de José Garcia et de Karin Viard. José Garcia à la fois comique et effrayant, cynique et pince-sans-rire, dépressif stressé et tueur amateur. Il parvient à jouer entre différents registres dans lesquels on est peu habitué à le voir évoluer, accommodation réussie à un film dont on aurait pu craindre le pire. Un suspens parfois sensible, à l'arrivée (à trois reprises!) de la Police.

Finalement, ce qui est gênant, ce n'est pas tant le film que l'idée que s'en font les spectateurs. Si l'on va voir leurs critiques sur le site d'allociné, les occurrences "individualisme" et "(ultra)libéralisme" doivent être citées dans environ 20% des critiques. Par exemple :

Costa Gavras fait passer avec brio un message fort: notre société va dans le mur, individualisme, ultra-libéralisme, surconsommation, etc... Je pense que ce film peut aider les personnes qui ne sont pas encore convaincus de la vacuité de notre société à en prendre conscience.

Ou qui sombrent dans le relativisme moral le plus total :

L'équation devient limpide : la monstruosité économique dans un monde qui cultive l'individualisme engendre la monstruosité humaine. Il n'est pas contre la société qui est responsable de sa situation : il tient à s'y maintenir et cette fin selon lui justifie tous les moyens, quitte à devenir un prédateur pour ses semblables.

Inutile de préciser ici qu'aucun n'entend le sens authentique de ces deux termes, et que leurs dictionnaires doivent sérieusement prendre la poussière! En guise de conclusion, je crois que Bastiat nous sera d'un grand secours : Combien je préférerais dire les choses comme elles sont, sans m'occuper de mille aspects sous lesquels l'ignorance les voit.